Mangez vos mauvaises herbes

Paul, qui est un éminent savant en matière d’alimentation naturelle, pense que l’un des secrets de la longévité et de la santé de certains peuples tient à leur consommation de plantes sauvages. Il a certainement lu François Couplan, qui soutient que la réputation de santé des Crétois tient à la place très importante que tiennent les plantes sauvages dans leur alimentation. Les plantes sauvages et spontanées, très concentrées en nutriments, y ont en effet une place très importante, et sont à la base de nombreuses recettes traditionnelles.

Nous avons par ailleurs déjà cité, dans un précédent article de nutrition, une étude sur l’alimentation du paléolithique. On y retrouvait déjà une part importante de plantes sauvages, fleurs, plantes condimentaires et épices. Et là encore, les populations de chasseurs-cueilleurs, que ce soit aux temps anciens de la préhistoire ou pour celles qui ont survécu jusqu’à maintenant, bénéficient d’une santé et d’une résistance remarquables.

Les Inuit quant à eux ont une alimentation animale à 80%. Le fait de consommer beaucoup de poissons et de viande sauvage, riches en oméga 3, les protège des maladies cardiovasculaires. Pourtant, une telle prédominance de la viande dans leur alimentation et les très faibles quantités de produits végétaux qu’ils consomment auraient dû les condamner à toute une cohorte de maladies, au vieillissement prématuré, que sais-je encore. Or, ce n’était absolument pas le cas dans les sociétés traditionnelles inuit, avant que ne s’imposent les pratiques occidentales. On peut relier cette résistance au fait que les quelques plantes consommées étaient des plantes sauvages particulièrement concentrées en nutriments, et correspondant à plusieurs fois leur équivalent en plantes cultivées.

Ainsi, nous dit Couplan par ailleurs, des plantes comme l’amarante livide, le chénopode des murs, la mauve sylvestre ou l’ortie contiennent 5 à 10 fois plus de calcium aux 100g que les meilleurs légumes cultivés. On retrouve des rapports similaires entre les plantes sauvages et les plantes cultivées pour un grand nombre de vitamines et minéraux, notamment la provitamine A ou la vitamine C. L’ortie contient ainsi 6 fois plus de vitamine C que le citron.

Notons que quand ce ne sont pas les plantes sauvages qui trustent les premières places, ce sont les fruits secs (noix, amandes), les légumineuses, les graines (onagre, courge, tournesol). Ou encore les aromates cultivés, qui tirent assez bien leur épingle du jeu.

Plus encore, les plantes sauvages contiennent de nombreux composants actifs : composés souffrés, saponines en petites quantités, caroténoïdes, flavonoïdes… toutes substances fortement protectrices pour l’organisme.

C’est sans doute dans cette concentration extraordinaire en micronutriments qu’il faut chercher les vertus des plantes sauvages. En effet, pour atteindre l’apport correspondant à une consommation raisonnable de plantes sauvages (disons 5 portions par jour, comme il nous est conseillé pour les fruits et légumes), c’est plus probablement une vingtaine de portions de fruits et légumes cultivés courants qu’il faudrait avaler. Soit une quantité énorme, à la fois inaccessible sur le plan pratique, mais aussi extrêmement dangereuse pour le système digestif.

Si nous avons vu que la pauvreté en fibre de notre alimentation nous expose à un certain nombre de problèmes de santé, à l’inverse, une trop grande quantité de fibres menace nos intestins d’irritations, de microsaignements, menant à terme à des problèmes graves, jusqu’à des cancers, et gênant l’absorption des nutriments. C’est probablement ce qui amène certains médecins, tels le Docteur Pourtalet, à considérer que les régimes trop riches en fibres sont, paradoxalement, dangereux.

La pauvreté nutritionnelle des fruits et légumes disponibles actuellement nous condamnerait donc à une perpétuelle pauvreté alimentaire : ce que nos intestins sont capables de gérer ne suffit pas, et si nous augmentons les quantités consommées pour arriver à un apport théorique suffisant en micronutriments, alors ce sont nos intestins qui trinquent. Ne reste que la solution insatisfaisante des compléments alimentaires… ou les plantes sauvages.

C’est ainsi que l’on rejoint notre philosophie du jardinage : composer avec les forces de la nature et en retirer le meilleur, plutôt que de lutter contre elles. Tout bon jardinier devrait laisser la place dans son jardin à une importante quantité de plantes spontanées. D’autant plus que, nous l’avons vu, celles-ci ont aussi une valeur très importante pour la conservation et l’amélioration des sols, et permettent en outre d’obtenir des indications précieuses sur l’état de ces sols.

Laisser pousser des « mauvaises » herbes judicieusement choisies dans un jardin n’est pas l’œuvre d’un jardinier négligent, mais bien celle d’un paysan qui cherche à nourrir les hommes et le sol du même geste en économisant sa peine. Mais bon, tout jardinier est libre de continuer à faire consciencieusement la chasse à tout ce qu’il n’a pas planté lui-même… En tout cas, c’est pas la peine de venir nous demander pouquoi nos plate-bandes ne sont pas soigneusement nettoyées comme dans le jardin de votre voisin. Vous savez maintenant pourquoi.

Photos de quelques plantes comestibles (pour plus de photos de plantes comestibles, voir la page plantes sauvages) :

Bardane, bourrache, mauve, mouron des oiseaux :

bardane.jpgbourrache.jpgmauve-a-feuilles-rondes.jpgstellaria-media.jpg

Cynorrhodon (églantier), ortie, pariétaire, carotte sauvage, souci des champs :

eglantier.jpgortie.jpgparietaire.jpgcarotte-sauvage.jpgcalendula-arvensis.jpg

18 commentaires sur « Mangez vos mauvaises herbes »

  1. Bonjour RJolly,
    Je reprends un post un peu vieux, les choses/sites ont pu changer entre temps.
    Cependant sur « http://www.nal.usda.gov/fnic/foodcomp/search/ » l’ortie « Stinging Nettles, blanched (Northern Plains Indians)  » est trouvée mais aucune trace d’une quelconque vitamine C ou acide ascobique. L’ortie ou la vitamine C porteraient elles d’autres noms? L’ortie ne contiendrait elle finalement pas de vitamine C?

  2. vous pouvez les manger crues,de préférence broyées,à part égale avec de la pomme,en petite quantité bien sûr.

  3. pouvez m’indiquer la manière de faire cuire les courges pour qu’elles ne me détruisent pas les intestins
    Merci

  4. Concernant les Inuits : on retrouve chez eux la même chose que chez les Masaï.
    A savoir que la part de produits animaux, très importante, est contrebalancée par la consommation de produits végétaux très concentrés.
    Chez les Masaï, il y a consommation quotidienne de plantes, ou d’extraits de plantes, qui sont considérées commes des plantes médicinales par les peuplades à l’alimentation moins carnée. Chez eux, ces plantes très concentrées sont consommées comme une alimentation normale.
    Chez les Inuits, il semblent que les algues, notamment, tiennent ce rôle.

  5. crudivorie :
    il y a lieu de distinguer crudivorie « anopsophage » (sans préparation) ou « opsophage » (avec préparation): un met broyé, surtout s’il contient des acides gras .. essentiels sera déjà fortement dénaturé du fait de l’oxydation de ces nutriments fort sensibles; un « jus » ne comporte généralement pas les minéraux et oligo éléments – pourtant nécessaires – restant dans la pulpe…
    Pourquoi jouer les « sotériologues » (les chercheurs de méthodes « salvatrices » peu sérieuses … ) ou être impatien-e … ce qui s’est « abîmé » pendant des générations de « culivores » (amateurs de mets cuisinés) ne peut se résorber, sans aucune manifestation – supportables sans médicaments et courtes dans le temps : effet de « nettoyage » minimal –
    Mon commentaire là semble-t’il réaliste ou bien …

  6. Concernant les Inuits, peut-on imaginer que seules les personnes les plus aptes à avoir un tel régime carné aient survécu ?

    Jeuf > Pour les orties, tu peux, par exemple, hacher les feuilles et les mélanger avec un peu huile et d’ail. Cela fait une excellente tapenade.

  7. Crudivoriste sans précossion non surtout pas à 100%, c’est dangeureux quant on s’y prend mal.
    Par contre manger des légumes feuilles très régulièrement cru, cuite, et sauvage c’est encore mieux. En gros gringnoté, c’est mieux, mais au buro, pas forcément facile de grignoter un brin de persil, une fleurs de mauve, une feuille de moutarde, une gousse de radis, bref pas simple.
    L’interet des légumes feuilles n’est plus a démontrer, richesse en minéraux assimilable, vitamine, antioxydant, huile, toxines aussi, fibre, eau, protéine très hautement assimilable et équilibré, le tout étant peu calorique.
    Si vous mangez du cru faites le en debut de repas, fruit aussi pas a la fin vous fatiguerez moi votre organisme.
    Les plantes sauvages très interessantes gustativement en ce qui concerne, sont les crosses de fougère aigle (cuite), le chenopode blanc(cuit), la moutarde, la mauve, la violette, l’achillé (petite quantité), les fleurs de marguerite, fleurs de plantin, l’amaranthe, la mache, le pissenli, le pourpier…

  8. J’imagine qui oui, à partir d’un certain seuil.
    Pour l’instant que j’utilise surtout quand je suis seul (flemme de préparer un plat) et le matin pour être en forme (carottes, 1 betterave, 1 pomme).

  9. >

    Le jardinage, oui, mais en agriculture ? Est-ce que l’on peut nourrir autrui avec la permaculture des murs à Pêches (afin qu’autrui puisse passer son temps sur internet par exemple;)) et donc disposer de plantes sauvages à volonté ?

    Je pensais que les intestins des crudivores, à force, se portaient bien. Apparemment non ?

    J’utilise depuis peu une machine (oui une machine), pour broyer les légumes et en récupérer le jus des légumes frais avec un max de nutriments intacts dedans, ça broie lentement et ça ne chauffe pas du tout. Le système digestif est ainsi très peu sollicité ensuite car tout est liquide.
    Evidemment c’est en peu du luxe (400€ à l’achat, fabriqué en Corée et importé en Belgique), sans doute pas généralisable et c’est un paliatif à l’absence de plantes sauvages de proximité.

  10. Mais qui mangera 100g d’orties pour avoir la vitamine C?
    en fait, tout le monde peut, mais en soupe cuite, donc adieu la vitamine C. C’est un peu pareil pour toutes les plantes sauvages…

  11. « L’ortie contient ainsi 6 fois plus de vitamine C que le citron » où trouve-t-on ce genre d’information ? Bah tiens, je me réponds à moi-même : http://www.nal.usda.gov/fnic/foodcomp/search/
    On voit qu’il y a à peu près autant de vitamine C dans le citron que dans l’orange que dans le kiwi (j’avais la notion issue d’une intox quelconque (sûrement d’un importateur) qu’il y avait dans un kiwi autant de vitamine C que dans une caisse d’oranges, et dans la fraise 10x plus de vitamines C que dans un kiwi (sûrement d’un vendeur de fraises). Bon je ne trouve pas ortie « nettle » en anglais dans le site ci-dessus. Alors ? Référence ?

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