C’est quoi, la biointensive ?

Il y a plus d’un siècle, des maraîchers pratiquaient autour de Paris une méthode de culture intensive qui leur permettait, dans une région où la place était déjà comptée, de produire, de manière totalement biologique (les engrais chimiques et les pesticides n’étaient pas encore inventés), des grandes quantités de légumes d’excellente qualité, à partir de surfaces très réduites.

L’apparition de la mécanisation, les progrès des moyens de transport et les engrais ont relégué cette méthode à de rares jardins d’amateurs éclairés : il était possible de produire plus loin de Paris, en quantité suffisante. Pourtant, de nombreux jardiniers auraient tout intérêt à en connaître les grands principes. D’autant plus que cette ancestrale méthode a depuis été améliorée, pour donner naissance à la méthode française intensive biodynamique, ou biointensive.

Les premières bases de la biointensive ont été jetées par un Anglais, Alan Chadwick après la seconde guerre mondiale, en Afrique du Sud. En 1967, il rejoint l’université de Californie, pour aider à mettre en place un jardin d’étudiants. C’est là qu’il théorise et met en pratique la biointensive, perfectionnant l’ancienne méthode française.

Chadwick, qui aimait beaucoup sa mère, qui elle-même admirait Rudolph Steiner et l’agriculture biodynamique, intègre alors à la méthode intensive Française quelques éléments de biodynamie : la conception d’un jardin comme un écosystème complet, l’utilisation des phases de la lune, les méthodes d’arrosage et de compostage, notamment.

Le résultat est une méthode très précise de jardinage, associant la culture sur buttes, la synergie entre les plantes, la production autonome d’engrais et de biomasse, la précision mathématique et quelques notions plus ésotériques.

A sa mort, en 1980, son élève John Jeavons reprend le flambeau au sein de l’association Ecology Action, fondée pour promouvoir les méthodes d’agriculture biointensive. Il milite notamment pour la diffusion de la méthode dans les pays du sud, mais insiste aussi sur le fait qu’elle peut fournir à une famille occidentale une alimentation de qualité, voire des compléments de revenus appréciables. Il insiste aussi sur la nécessité d’apprendre à pratiquer une agriculture capable de régénérer les sols, au lieu de les détruire.

Les principes de la méthode sont notamment accessibles dans un livre intitulé « comment faire pousser plus de légumes (et fruits, fruits secs, fruits rouges, céréales et autres machins qui poussent)… que vous ne l’auriez jamais cru possible, sur moins de terre que vous ne l’auriez imaginé » (traduction personnelle). Petit problème : si la version originale (en Anglais) est bien disponible en France via Internet, la version française, quant à elle, ne peut être apparemment commandée… qu’aux Etats-Unis.

Les grands principes :

1. La culture sur planches surélevées (buttes).

Pour l’intérêt de la culture sur buttes, c’est ici. Pour la méthode, c’est là.

2. Le double bêchage.

Les planches de culture sont systématiquement double-bêchées, jusqu’à deux fois par an dans les premiers temps de la création des planches de culture. Ceci permet à l’eau de mieux s’infiltrer et aux racines des plantes cultivées de s’enfoncer beaucoup plus loin dans le sol. Ainsi, elles accèdent plus facilement à l’eau et aux minéraux en profondeur, mais aussi, puisqu’elles peuvent se développer verticalement, la concurrence entre les plantes est réduite.

3. La création de biomasse et le compostage.

Les plantes sont choisies selon plusieurs critères. L’un d’eux est leur capacité à créer de grandes quantités de biomasse, qui viendront, après compostage, enrichir le sol en humus. C’est là le premier intérêt majeur de la biointensive : améliorer le sol d’années en années, au lieu de l’appauvrir.

4. La rationalisation des cultures.

Les cultures sont organisées en quinconce, les distances entre les plantes sont soigneusement calculées en fonction des besoins en espace de la plante. Dès qu’une portion de planche est récoltée, elle est immédiatement remise en culture. On a donc plusieurs récoltes successives chaque année sur un même espace. L’amélioration des sols et la rationalisation des cultures permettent à elles seules d’améliorer considérablement la production, en quantité et en qualité. C’est le second intérêt majeur de la biointensive.

5. Les synergies entre plantes.

Certaines plantes se renforcent ou se protègent mutuellement. Certaines développent leurs racines plutôt en surface, et seront associées à d’autres, qui développent plutôt leurs racines en profondeur. On retrouve aussi les rotations plus classiques en fonction des besoins en azote des plantes.

6. Quelques éléments de biodynamie

Notons l’utilisation des phases de la lune, de préparations de plantes, et d’un arrosoir spécial améliorant l’oxygénation de l’eau d’arrosage. La méthode de compostage préconisée est elle aussi issue de la biodynamie.

Il est important que tous ces éléments soient mis en place simultanément. Il n’est possible par exemple de réduire l’espacement entre les plantes que si la butte a été préalablement double bêchée, permettant aux racines de se développer en profondeur, que le sol a été amendé par du compost, que les plantes sont complémentaires au niveau de leur utilisation de l’espace, etc.

Toute tentative de planter selon les distances préconisées par la méthode sur un sol pauvre, peu profond, avec des espèces entrant en concurrence entre elles, conduira forcément à un échec.

Nous reviendrons plus en détails sur la biointensive à l’occasion de la rédaction de fiches techniques.

Un excellent texte ici : http://www.decroissance.info/La-micro-agriculture-biointensive

La page d’ekopédia sur le sujet : http://fr.ekopedia.org/Micro-agriculture_biointensive

Photos :

Une planche en biointensive. La distance entre les semis est calculée de telle sorte que les plantes à maturité couvrent tout l’espace de la butte. Un seul désherbage est appliqué, environ un mois après le semis, suivi d’un léger mulch en compost demi-mûr (2 mois). Le compost demi-mûr inhibe la germination des adventices durant quelques semaines, ce qui laisse largement à la plantation le temps de se développer.

Biointensive nue 10 jours après semis Un mois après semis, désherbage jungle-biointensive.jpg

Le compostage est essentiel en biointensive. Le compost peut être utilisé à divers degrés de maturité en fonction de l’effet recherché :

compost-elements-a-melanger.jpg Compost 1 mois Compost 3 mois Compost 6 mois

18 commentaires sur « C’est quoi, la biointensive ? »

  1. Et comment peut-on la commander la version depuis la France? Il n’est tout de même pas obligatoire de se rendre làbas?
    Merci!!

    Julien

  2. La version anglaise se trouve dans certaines librairies en France. La version française ne s’obtient que par correspondance, depuis les Etats-Unis.

  3. Je n’ai pas bien compris l’histoire de la traduction francaise du livre… indisponible par correspondance ? ou interdite d’importation ?

  4. Sur une monoculture d’ail, la biointensive ne pourra rien pour vous. Si l’ail est inclus dans un système diversifié, il peut sans doute être utilisé avec profit en bordure de planche de cultures pour éloigner certains parasites.

  5. le double béchage peut-être maais 2 fois par année je crois que c’Est abuser!!!
    Faut pas tout abolir la structure du sol mais c’est vrai qu’il en a p-être pas!!!!

  6. « Notons l’utilisation des phases de la lune, de préparations de plantes, et d’un arrosoir spécial améliorant l’oxygénation de l’eau d’arrosage. »

    je suis pas sûr que ça soit ce qu’il faille en retenir, mais bon, le reste n’est pas sans intérêt.

  7. C’est rien le double-bêchage, quand la terre est déjà décompactée. Et puis ça vaut une séance au gymnase club.
    Aussi, c’est juste le temps que la terre commence à s’améliorer. Ensuite, on peut les espacer.
    C’est aussi pour ça qu’il faut expérimenter des méthodes sans travail du sol, selon les cas.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.